1H15 avec les frères Hoffman

Daniel et Benjamin Hoffman


Ils ont suivi le retour en Israël des derniers Juifs d'Ethiopie, les "Falash Muras"
Un périple en deux temps entre juin et novembre, d'Addis Abeba à Tel Aviv.
Aujourd'hui ils en ont fait un documentaire, un livre. Le premier ouvrage publié sur le sujet en France.
Daniel et Benjamin sont tous deux journalistes, l'un avec son stylo, l'autre avec son appareil photo. Un duo hors paire.
À mon arrivée, un Coca face à une bière et le même enthousiasme dans les yeux.
L'assiette de cacahuètes déjà presque vide.


Quand on voit la couverture, cet enfant qui regarde par la fenêtre du bus qui quitte son village, difficile de ne pas penser à un autre garçon... celui du film de Radu Mihaileanu "Va, vis et deviens" (ndlr film sur l'exode des "Falashas, première communauté d'Ethiopie reconnue juive par Israël) Ce film a-t-il été une source d'inspiration ?


(© Benjamin Hoffman)
Benjamin : La photo n'est pas inspirée du film mais il fait en effet partie de la genèse du projet.

Daniel : On l'a vu ensemble en 2004 ; on avait déjà entendu parler des Falashas, Radu Mihaileanu a fait connaître leur cas au grand public. Ca nous a confirmé que le sujet en valait la peine, que l'histoire était incroyable.

Puis quel a été le déclic ?

Benjamin : C'est parti d'un hasard, je faisais une expo au musée d'art et d'histoire du judaïsme dans le Marais. 
Dans les couloirs, je suis tombé sur une lithographie du XIXème siècle qui représentait une famille Falasha. 
C'était en février, à ce moment-là je réfléchissais à un projet de reportage au long cours. 
Ça a été l'illumination : le sujet était là. 
Je n'avais aucune idée de comment l'angler ni pourquoi c'était un sujet, mais pour moi,
c'était l'évidence. 
J'ai appelé Dany et on a commencé nos recherches.
Daniel : On a découvert qu'il restait encore des Juifs en Ethiopie, les « Falash Muras ». 
Et on s'est aperçus qu'il n'y avait rien à leur sujet dans les médias français.

Le cas des "Falash Muras" est particulier. Puisque contrairement aux Falashas, ils se sont convertis au christianisme au XIXème siècle. Ça donne l'impression qu'ils sont moins juifs que les autres... Il y a du mépris pour cette communauté ?

Benjamin : Oui, les Falashas méprisent les Falash Muras.
Daniel : Leur judaïsme a suscité un vrai débat, ensuite tranché par les rabbins. 
Le grand rabbin d'Israël Ovadia Yossef a estimé qu'ils étaient juifs, 
en se basant principalement sur la loi du retour : il faut au moins une grand-mère d'ascendance juive. 
Le problème qui se pose ensuite, c'est plus celui de la sincérité de leur démarche.

On se demande s'il ne s'agit pas d'opportunisme ?

Benjamin : C'est dur de savoir s'ils sont sincères ou pas. 
S'il y a opportunisme, il est très compréhensible : le niveau de vie qu'ils ont en Ethiopie 
est incomparable à celui auquel ils peuvent prétendre en Israël.
Daniel : Mais il y a une ferveur religieuse incroyable en Ethiopie, unique je pense. 
Tout le monde est religieux là-bas. On les a vus aller à la synagogue, 
mettre leurs phylactères pour aller prier, aller à l'office, le matin, le soir.

Aller en Israël, c'est leur rêve de toujours ?

Benjamin : Ils sont tous regroupés à Gondar, autour de l'Agence juive, dans ce but précis d'émigrer en Israël. 
Certains y sont depuis des années. 
Là-bas, on dit qu'en Ethiopie, "sur 80 millions d'habitants, il y a 80 millions de personnes 
qui veulent partir en Israël" !
Daniel : Ce sont des villageois qui ont tout laissé derrière eux. 
Le peu qu'ils avaient, ils l'ont quitté. Ils ne sont même pas sûrs d'émigrer en Israël, 
ils ne sont pas tous sur la liste.

C'est aussi plus facile de tout laisser quand on n'a rien.

Benjamin : Je ne crois pas. Même pas grand chose, c'est tout ce qu'ils ont.
Daniel : Leur vie entière, ils l'ont passée en Ethiopie. 
Quand on était dans le bus pour aller de Gondar à Addis Abeba, il y avait un vieux Monsieur, seul, sans famille. 
A l'arrêt, il s'est planté devant le bus, il a dit qu'il ne voulait plus partir.
Benjamin : Il a été pris d'une crise de panique
Daniel : Il disait qu'il avait trop peur, qu'il était trop vieux.
Benjamin : Alors que ça faisait des années qu'il avait envie de partir !
Daniel : Et puis des jeunes ont réagi en lui disant "si tu ne veux pas y aller, 
nous on prend ta place". Ils se moquaient tous de lui.

Il a eu le trac, comme avant un grand tournant de sa vie ?

Benjamin : Pour lui c'est particulier, il a fantasmé ce moment toute sa vie. 
Mais toutes ses attaches sont en Ethiopie, il va vers un inconnu absolu, 
et sa vie n'est pas nécessairement là-bas même s'il l'y a toujours attendue.
Daniel : Sans vouloir être péjoratif, ils changent de siècle si ce n'est de millénaire.

Comment avez-vous été accueillis par les Éthiopiens ?

Benjamin : On a passé plusieurs jours au sein de la communauté, 
à être présentés en public. Pour eux, "journalistes", ça ne veut rien dire,
 ils n'ont jamais vu un journal de leur vie. Je ne sais pas comment on a été perçus. 
En tant qu'occidentaux blancs, ils se sont sans doute dit 
qu'on était là pour les aider.
Daniel : Les seuls Blancs qu'ils connaissent appartiennent à des ONG.

L'appareil photo a tout de suite été accepté ? Le stylo et le dictaphone aussi ?

Benjamin : L'appareil photo a été trop bien accepté parfois. 
Ça a même été gênant pour moi tant il m'était difficile d'être discret.

Ils n'en avaient sans doute jamais vu avant... Ils ne l'ont pas pris pour une arme ?

Benjamin : Non, parce que je ne suis pas menaçant ! 
Il y avait beaucoup d'enfants dans le village, ils se massaient devant moi 
pour être pris en photo. Il fallait que je sois super organisé, que je réussisse à faire 
ce que je voulais dans les 20 premières secondes. Parce qu'après c'était impossible.
Daniel : Parfois ils regardaient un peu bizarrement mon dictaphone dans la synagogue. 
J'ai aussi ressenti l'émerveillement face à un objet qu'ils n'avaient jamais vu 
ou connaissaient très peu. J'ai pu capturer des ambiances du village, 
des chuchotements, des pleurs au moment du départ. 
Ça m'a aidé au moment de la rédaction du livre. Ca m'a permis de revivre les instants.
Benjamin : Garder une trace c'est important parce que c'est un exode 
qui va prendre fin en 2014-2015. C'est la dernière vague d'immigration...

C'est un moment d'histoire.

Les enfants vont vite s'assimiler en Israël et plusieurs traditions vont certainement se perdre.

Sur place, il y avait une barrière importante, celle de la langue, comment avez-vous fait?

Benjamin : Nous étions souvent avec un des responsables qui parlait un anglais correct.
Daniel : Il y avait beaucoup d'émotions qui n'ont pas besoin de traduction.

Ca ramène tout à l'essentiel, on a les yeux plus ouverts ?


Benjamin : On développe d'autres perceptions, de lieu, d'ambiance...

Il paraît que tu connais quelques phrases clés en amharique...

Benjamin : (il prononce une phrase en amharique) ce qui signifie : 
"Je ne parle pas amharique" (rire) Faire l'effort de quelques mots, ça leur fait plaisir. 
Ils t'invitent chez eux, et alors que tu leur dis que tu ne parles pas amharique,
 ils te parlent encore plus en amharique, ils ne s'arrêtent plus !
Daniel : Ce qui est drôle c'est que l'amharique est une langue sémitique, 
au même titre que l'hébreu ou l'arabe. Moi qui parle un peu hébreu, 
je pensais que ça allait m'aider... mais en fait, pas du tout !

Comment vivent-ils, quelles sont leurs journées ?

Benjamin : Elles commencent tôt, il y a deux offices quotidiens, le premier à 6 heures, 
assez long, d'une heure et demie, beaucoup y vont. 
Ensuite les enfants vont à l'école, ils sont tous scolarisés. Les adultes, ça dépend...
Daniel : La plupart d'entre eux ne travaillent pas.

Ce sont des Juifs qui ont été convertis au christianisme, est-ce que vous avez pu constater un métissage des cultes ?

Daniel : Selon une des deux théories sur l'origine des Falash Muras, 
ils faisaient partie du royaume d'Israël puis la tribu a émigré vers le sud, 
dans le royaume de Kush. Le judaïsme éthiopien a donc vécu pendant des siècles
sans contact avec le judaïsme du monde.

Ce qui en fait un judaïsme primaire ?

Daniel : Exactement, alors que le judaïsme a évolué, leurs cultes sont restés 
les mêmes que dans la Bible.

Et l'influence du christianisme, elle se retrouve où ?

Benjamin : Elle se voit, déjà. La tradition consiste à tatouer une croix 
sur le front des enfants à la naissance. Le christianisme est imprimé sur la peau... 
C'est la première chose qu'on s'est dite : en Israël, ça va être d'autant plus difficile pour eux avec cette énorme croix à porter.

Un petit mot de la cuisine ?

Benjamin : Il y a un seul et unique plat national : l'injera. C'est une grande galette...
Daniel : Un peu plus spongieuse qu'une crêpe quand même.
Benjamin : C'est amer et aigre. Ça sert à la fois de pain, de nourriture et d'assiette.
Daniel : Et de serviette !

Ce quotidien prend fin un jour, quand ils quittent le village direction Israël. Vous avez vécu la dernière journée de la famille de Molah Chekhol en Ethiopie : vous pouvez raconter ?
Daniel : Il est le père d'une famille de quatre enfants, il a eu les trois derniers 
avec une femme juive et le premier avec une chrétienne, aujourd'hui décédée. 
L'aîné, parce qu'il n'est pas juif, ne part pas en Israël avec eux.
Benjamin : Pour le coup, il n'y a pas eu de barrière de la langue le dernier jour. 
Puisque même eux ne parlaient pas, c'étaient des empoignades, 
des embrassades, des larmes. Tu sentais la détresse.
Daniel : Il y avait beaucoup de monde, beaucoup de passage...

On sentait l'effervescence ?

Benjamin : C'était une "effervescence silencieuse". On sentait que ça bouillonnait.
Daniel : Je l'ai surtout ressentie au moment du départ, dans le silence toujours. 
Sans vouloir tomber dans le cliché, les Ethiopiens sont très réservés, 
humbles, dignes et fiers. Ce ne sont pas les mêmes effusions 
que l'on peut voir chez nous par exemple. 
Il était quatre heures du matin au moment du départ. 
Tout le monde partait en même temps et on s'est perdus, 
Benjamin et moi dans l'obscurité du village. Je me suis retrouvé avec l'épouse, 
Benjamin avec un des enfants.
Benjamin : On était dans la nuit totale du village, je ne voyais pas ma main ! 
Je m'éclairais à coups de flashs de mon appareil photo.

Le trajet en bus a été triste ?


Benjamin : C'était surtout très long. Le bus marque plein d'arrêts parce que 
dans toute la région, les gens ont ou de la famille ou des amis. 
Donc à chaque stop du bus, il y a des nuées de personnes 
qui sont là pour les derniers « au revoir »...
Daniel : Là, pour le coup c'étaient vraiment des effusions.
Benjamin : On a assisté à des larmes, des cris de femmes malheureuses. 
Ensuite pendant le trajet, tu sens qu'il y a un espoir, dans le silence, toujours.
Daniel : Les routes étaient terribles, nous on avait mal partout, eux ne disaient rien, 
ne se plaignaient pas, ne bougeaient pas.
Benjamin : Et ça dure deux jours ! C'est l'aventure de leur vie : 
ils avaient tous sorti leurs habits de fête, les enfants étaient en costume, 
ils étaient sur leur 31. Je me rappelle de deux petits garçons 
en costumes blancs à paillettes...
Daniel : A l'occidentale !
Benjamin : La photo de la couverture a été prise juste au départ de Gondar. 
Je n'ai même pas fait d'autre essai de couverture, d'ailleurs.

C'était une évidence ?

Benjamin : Mon premier choix, c'était celle-ci. 
Ca m'a semblé évident une fois que je l'ai mise, pas avant. 
Si j'en avais essayé d'autres avant, j'aurais hésité. 
Son regard est plein de lumière et d'espoir, il regarde vers le ciel, 
il y a la symbolique de l'avenir. Il est beau ce môme.

Au terme de cette épopée en bus, ils arrivent à Addis Abeba... une capitale, que vous avez détestée...

Daniel : C'est extrêmement pollué. Ça pue la misère. 
C'est la ville la plus touristique et il y a une mise en avant de la pauvreté...
Benjamin : C'est une ville très agressive. 
Tu te fais attraper physiquement par les mendiants.
Tu finis par t'habituer à la misère et tu te dégoutes de ne plus la regarder. 
Alors que quand elle est moins visible, elle te marque plus. 
On a vu des gens nus dans la rue, parce qu'ils n'avaient rien pour se couvrir.

Cette capitale qui sent la misère, c'est la ville du départ pour Israël. Le vivent-ils comme un adieu ou envisagent-ils de revenir en Ethiopie ?

Benjamin : Molah Chekol a dit qu'il reviendrait voir son fils. 
Je ne sais pas si c'est une posture ou s'il le pensait vraiment
Daniel : Il est paralysé de la jambe droite. La situation semble difficile 
même s'il n'a que 65 ans, il fait beaucoup plus vieux. 
J'ai du mal à croire qu'il puisse y retourner.

Il quitte son fils... C'est troublant de constater que le retour en Israël prime sur la valeur sacrée de la famille.

Daniel : Le fils est aussi sur une liste, il espère un jour les rejoindre. 
Même si les spécialistes nous ont dit qu'il y avait peu de chance.

Le plus probable, c'est qu'ils ne se revoient jamais... C'est une famille qui est déchirée.

Daniel : On peut aussi se dire que la famille était déjà déchirée puisque certains membres ont déjà émigré en Israël...

C'est là que se termine la première partie de votre documentaire... Quatre mois plus tard vous êtes allés en Israël. Le voyage en deux parties, c'était voulu ?

Benjamin : Non, sur place on a négocié une place dans l'avion 
pour aller en Israël avec eux. Ça n'a pas marché pour des raisons administratives, 
on ne nous a même pas laissés entrer dans l'aéroport, 
malgré deux heures de négociations, c'était très frustrant. 
On n'avait pas prévu initialement de continuer le documentaire en Israël. 
Puis, une fois à Paris, quand on est allés voir des rédactions, 
ils nous ont tous dit que notre sujet était bien mais qu'il dansait sur une jambe : 
que deviennent-ils en Israel ? 
Alors, on est repartis le 2 novembre.

Ces quatre mois d'attente, ça vous aidé à prendre du recul ?

Benjamin : Ça m'a beaucoup frustré de devoir attendre.

On a peur que les muscles refroidissent ?

Benjamin : Non justement, à garder les muscles trop chauds longtemps, 
on finit par se faire une crampe. Pour filer la métaphore sportive, 
je voulais terminer l'effort vite. 
Mais il y a des points positifs : grâce à ça, on a pu retrouver la famille de Molah Chekol.
Daniel : J'avais les contacts auprès de l'Agence juive qui s'occupe 
de leur intégration dans les « centres d'absorption ».

Quand vous l'avez revu, tout avait changé pour lui ?

Daniel : Dans le centre, il y a plein de maisons construites à la manière stalinienne, 
toutes sur le même modèle. Ce qui nous a marqués, ce sont les enfants, 
qui sont déjà habitués à la télévision, qui ont des téléphones portables, 
qui parlent déjà plutôt bien hébreu.
Benjamin : Les petits passent leur temps à s'envoyer des textos, 
le contraste avec leur vie d'avant est saisissant.

Les parents ont moins la capacité de s'intégrer ?

Benjamin : Les anciens n'ont pas d'éducation, ils n'ont jamais été à l'école, 
ils n'ont jamais appris à lire ni à écrire. À cinquante ans, apprendre une autre langue,
 c'est très compliqué. 
Il y a une fracture temporelle, sociale et culturelle pour eux. Ils sont très déphasés. 
C'est une considérable perte de repères. Leur vie se résume alors à regarder
la télé câblée avec des chaines éthiopiennes.

Vous ne les avez donc pas trouvés épanouis

Benjamin : Il faudrait peut-être voir à plus long terme...
Daniel : Y retourner dans trois ans... Le projet qui ne finit jamais ! 
Leur intégration n'est pas une réussite, en terme de statistiques. 
C'est une communauté clairement reléguée. Il y a une forte délinquance, 
un taux de réussite à l'université très faible...
Benjamin : Ils ne rayonnaient pas de bonheur. J'ai le sentiment que les parents 
sont résignés, comme si leur but ultime c'était de donner une chance à leurs enfants, 
qu'ils n'auraient jamais eu en Ethiopie. Personne ne me l'a dit, c'est mon impression. 
Le sentiment du devoir accompli, du destin qui leur appartient un peu plus.
Daniel : Les enfants sont quand même très dépendants des parents. 
Il faut qu'en sortant du centre, ils aient assez d'argent pour investir 
dans un logement par exemple. Ils toucheront des aides du gouvernement, 
mais il faut qu'ils aient une activité professionnelle pour contracter un prêt bancaire. 
Alors ils se retrouvent à faire des métiers sans éducation : vigiles, agents de nettoyage.

Y a-t-il des gestes de leur vie éthiopienne qui restent ? Dans le film de Radu Mihaileanu, on voit le petit garçon qui retire ses chaussures à peine sorti de l'école, pour sentir la terre sous ses pieds...

Daniel : Dès qu'on est arrivés, ils nous ont tout de suite offert 
de manger de l'injera... Toujours sans fourchette ! 
Dans leurs valises, ils avaient pris leurs plats à injera. 
Ca ressemble à une soucoupe volante.
Benjamin : Un peu comme une cocotte minute, mais en osier.

De juin à novembre, c'est un travail que vous avez fait à deux... Le binôme, c'était une évidence ?
Daniel : J'avais assisté à une conférence de Wilfrid Esteve qui disait 
qu'il était très important pour que le binôme fonctionne de faire deux activités complémentaires.

Benjamin : C'est plus facile de travailler avec son frère, il n'y a pas de limites. 
On peut tout se permettre.

Posiez-vous systématiquement vos quatre yeux en même temps sur tout ?
Benjamin : Non. Il y a eu des journées entières où on a travaillé chacun de notre côté, parfois avec les mêmes personnes. On n'était pas collés.
Daniel : On ne fait pas le même boulot, ce qui m'intéresse en tant que rédacteur 
n'a pas forcément un intérêt visuel pour Benjamin.

Est-ce qu'il y a eu parfois un divorce entre vos deux visions ? Des choses que vous n'auriez pas perçues de la même façon...

Benjamin : On est sur la même longueur d'ondes. Il y a eu une division des tâches 
mais quand j'ai lu les textes de Dany ou quand il a regardé mes photos,
 on ne s'est jamais dit qu'il y avait erreur sur la lecture du moment capturé.

Ca se ressent dans la présentation du livre : les textes et les photos s'alternent sans se mélanger...

Benjamin : On a séquencé le livre et c'est aussi un choix esthétique de ne pas trop mêler les photos et les textes. Il y a des photos que je n'ai pas mises 
parce qu'elles me parlaient à moi, pour les souvenirs qu'elles portaient 
mais qui n'auraient rien raconté au lecteur.
Daniel : J'ai écrit sans regarder les photos, je les avais en tête. 
Je me suis dit que ce serait rébarbatif si je décrivais ce qu'il avait sur les photos.

Vous avez d'autres projets à deux ?

Benjamin : Il y a une éventualité de projet...
Daniel : Mais on ne veut pas en parler.

On va finir avec deux photos que vous avez choisies.
(© Benjamin Hoffman)
Benjamin : C'est une petite fille derrière la fenêtre du fameux bus de Gondar. 
Pour moi c'est le contrepoint de la photo de couverture. Il y a bien sûr de l'espoir, mais aussi une peur totale de l'inconnu, le flou… Son visage symbolise plein de choses... 
En plus elle est en robe de princesse. Je me dis que si dans dix ans, je devais refaire un sujet, j'adorerais retomber sur cette gamine
(© Benjamin Hoffman)
Daniel : L'aéroport de Tel Aviv. On savait l'horaire d'arrivée de l'avion mais on a passé plus de quatre heures dans l'aéroport à les attendre, on s'est endormis plusieurs fois.
 Ils sont arrivés après tout le monde à cause des contrôles administratifs. 
Ça nous a laissé le temps de discuter avec les familles. Il y avait une mère qui n'avait pas vu sa fille depuis quatorze ans. D'ailleurs, une des sœurs qui elle était israélienne, avait vécu en Israël, ne voulait pas qu'on la photographie parce qu'elle estimait que c'était son histoire.
Benjamin : C'est la première fois que ça nous est arrivé. Je l'ai respectée, j'ai trouvé ça fort, je n'ai pas essayé de lui voler une image.
Daniel : C'était la toute fin de notre séjour.



Le livre "Beta Israël, Les derniers Juifs d'Ethiopie" est en vente ici : www.betaisrael.net
Le site photo de Benjamin Hoffman : http://www.benjaminhoffman.fr/#/home?i=500

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